Rencontre avec Armelle, femme de militaire de 36 ans, membre du réseau Women Forces, ayant mené des ateliers de travail avec le Ministère des Armées sur le plan famille.
Women Forces œuvre pour un meilleur accès à l'emploi des femmes de militaire et se mobilise pour :
permettre l’entraide professionnelle des femmes de militaire,
renforcer la confiance en soi des femmes de militaire sur le marché de l'emploi,
sensibiliser les entreprises à la valeur professionnelle des femmes de militaire,
faire bouger les lignes politiques et sociales
Comment est né le réseau professionnel Women Forces ?
87% des conjoints de militaires sont des femmes.
La plupart souhaitent s’accomplir dans une activité professionnelle mais la forte mobilité géographique et l’éloignement des soutiens familiaux, inhérents à la profession du militaire, les conduisent à avoir une vie professionnelle en pointillés et des parcours non satisfaisants.
Elles désirent également compléter les revenus du foyer. Contrairement à une idée reçue, les militaires ne sont pas mal payés, mais il est devenu quasi nécessaire d’avoir deux salaires pour vivre correctement.
En novembre 2017, trois femmes de militaires lancent le réseau Women Forces afin de mettre en relation celles qui souhaitent développer leur vie professionnelle.
En quelques jours, plus de 2 000 femmes rejoignent le réseau.
Comment êtes-vous parvenues à faire bouger les lignes ? Quelle a été votre contribution au plan famille ?
Nous avons rassemblé plus de 300 témoignages de femmes de militaires et compilé des statistiques issues d’un questionnaire. Nous avons fait parvenir une note de synthèse et nos propositions au Ministère des Armées. Ils ont été très réactifs et nous ont contactées en 15 jours. Nous avons monté un séminaire en ligne et Florence Parly en a fait l’introduction.
Nous avons ensuite travaillé directement avec Jean-Charles Cottez, chef de projet du plan famille.
Le plan famille répond-il à vos attentes ?
C‘ est un premier pas mais cela ne change pas encore notre quotidien.
Nous constatons un grand décalage entre la tête et la base. Le Ministère a été très réceptif à nos propositions. Le discours de Florence Parly, en Novembre 2020, établissait un parfait diagnostic. Nous nous sommes senties comprises.
Nous sentons que les choses avancent mais les mesures descendent lentement jusqu'à la base. Sur le terrain, les familles ne savent pas toujours ce à quoi elles peuvent prétendre et les assistances sociales ne relaient pas toujours les mesures.
Quelle analyse faites-vous de l’impact de la mobilité géographique sur l’équilibre conjugal et familial ?
Nous ne sommes pas des pleureuses et nous ne voulons pas renvoyer cette image.
Chaque mutation, tous les 2 ans pour un officier, nous procure une énorme charge mentale et nous sommes toujours les dernières sur notre liste de tâches, après la recherche du logement, des écoles, des enfants, l’organisation du déménagement et l’installation de tout le monde. Nos maris sont en pleine prise de poste et comptent sur nous pour toute cette partie logistique. Une fois toute la famille installée, au bout de 2-3 mois, nous pouvons nous atteler à un projet personnel jusqu'à la préparation du prochain déménagement…
Ces périodes sont intenses et peuvent générer des frustrations.
D'autre part, nos couples peuvent être confrontés à des décalages de rythme. Avant un départ en Opex (Opération Extérieure), je veux profiter de l’instant présent avec mon mari, dans l’ici et le maintenant, alors que je ressens qu’il est déjà parti dans sa tête et organise son départ.
Échanger en couple dans un endroit où nous nous sentirions tous les 2 en sécurité me paraît une très bonne idée.